La violence structurelle et comportementale est une caractéristique inhérente au travail et aux espaces de vie urbains informels en Amérique latine (WIEGO 2020 ; ILO 2016). Les populations marginalisées, c'est-à-dire les personnes qui vivent et travaillent dans des espaces informels, subsistent dans des logements précaires et mal desservis, ont un accès limité à l'éducation et aux soins de santé, travaillent souvent sur le marché informel sans protection juridique et sont souvent effectivement politiquement exclues (Davis 2007).

Pourtant, la manière dont les populations marginalisées résistent à cette violence chronique dans leurs lieux de vie et de travail restent souvent méconnues, de même que les principales raisons pour lesquelles elles choisissent certains modes de résistance plutôt que d'autres. En outre, les travaux sur les réponses populaires à la violence et à l'oppression ont tendance à se concentrer sur les stratégies manifestes et collectives supposées par la politique contentieuse, négligeant souvent les formes quotidiennes, individuelles et dissimulées de résistance qui, selon d'autres corpus de recherche, sont régulièrement mises en oeuvre dans les lieux de vie et de travail informels (Cross 1998 ; McAdam, Tarrow et Tilly 2001 ; Mayer 2021). De plus, l'invisibilité sociale et politique du travail et des logements informels ainsi que de la violence chronique qui sévit dans ces lieux complique considérablement la recherche sur cette question (Espinosa Yáñez 2016 ; Mayer 2017 ; Ribeiro Carrossacz 2014).

Dans ce contexte : comment les populations marginalisées résistent-elles à la violence chronique dans leurs milieux de travail et de vie? Et quelles sont les principales raisons qui expliquent pourquoi certains modes de résistance sont choisis plutôt que d'autres? Ces questions seront au coeur des interventions proposées pour cette École d’été du CERIUM. Cet évènement entend proposer différentes modalités d’apprentissage et de discussion, sous la forme de conférences mais aussi d’ateliers et de débats, afin d’engager les différents publics qui assisteront à l’École, et en particulier les étudiant(e)s. Les interventions proposées adoptent une perspective analytique large sur le thème de la résistance, afin d’explorer un ensemble de stratégies d'opposition individuelles et collectives; qui sont utilisées à dessein par des personnes à faibles revenus et marginalisées ; qui peuvent être cachées ou manifestes ainsi que symboliques ou matérielles ; qui sont choisies et mises en oeuvre - souvent simultanément - en fonction des formes de pouvoir auxquelles elles s'opposent, par le biais de la dissimulation, de la négociation ou de la confrontation ; et qui cherchent à garantir la survie (i.e. la préservation physique et psychologique), à promouvoir l'adaptation au contexte (i.e. la protection de l'environnement) et à améliorer la qualité de la vie (i.e. la protection de l'environnement).

Cette approche multidimensionnelle permet d’étudier l'évolution de l'oppression et de la résistance dans le temps et dans l'espace. De plus, elle permet d’examiner les multiples actions ordinaires et extraordinaires des populations périphériques pour défendre et promouvoir leurs intérêts face à l'oppression. Elle prend également en considération une multiplicité de stratégies de résistance informelles et formelles et s'efforce d'incorporer les dimensions cachées et manifestes, en plus des dimensions symboliques et matérielles, de la résistance. Enfin, nous concevons ces actes d'opposition comme adaptatifs et non exclusifs, c'est-à-dire que les gens peuvent s'engager dans une multiplicité d'actions de résistance individuelles et collectives au fil du temps, acquérant souvent des connaissances dans un mode qui peuvent être transposées dans l'autre. Les interventions s’articuleront autour de quatre axes principaux: mouvements sociaux; violence et sécurité; enjeux électoraux; inclusion et citoyenneté.