Gabriel Fauveaud est professeur adjoint au Département de géographie, chercheur au Centre d’études asiatiques de l’UdeM et au CÉRIUM. Titulaire d’un doctorat en géographie et en études urbaines de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ses recherches portent sur les changements contemporains dans les modes de production des espaces urbains, principalement dans les villes du Sud.
L’article que nous vous présentons ici, Les nouvelles géopolitiques de l’immobilier en Asie du Sud-Est (Hérédote, 2020), démontre comment le marché immobilier de Phnom Penh, au Cambodge, s’intègre de plus en plus aux marchés financiers mondiaux sous l’action d’acteurs financiers et étrangers.
Quel phénomène avez-vous observé et vouliez-vous élucider ?
L’article s’intéresse à l’influence croissante du secteur et des pratiques de la finance (la financiarisation) sur l’urbanisation de Phnom Penh, la capitale du Cambodge. On suppose bien souvent que les pays en développement comme le Cambodge sont peu touchés par de tels processus, qui resteraient surtout l’apanage des grandes métropoles internationales et économiques dites développées. L’article montre au contraire le rôle crucial que joue la financiarisation dans la production d’espaces urbains.
Sur quoi avez-vous posé votre regard pendant votre recherche ?
L’article s’intéresse surtout à un segment de marché immobilier qui explose véritablement à Phnom Penh depuis 2010 : les tours de condominiums, un produit immobilier dont la popularité s’est véritablement globalisée au cours des années 1980-1990. Je me suis surtout attaché à comprendre les stratégies d’investissement des compagnies locales et étrangères, les montages de projets, ou encore les stratégies de vente des entreprises de courtage.
Et qu’avez-vous trouvé ?
Les enquêtes de terrain m’ont permis de montrer qu’à la différence des économies dites développées, la financiarisation dans les pays en développement est moins la conséquence d’une transformation profonde de l’économie nationale (transition d’une économie industrielle à post-industrielle). Au contraire, elle se produit « par le bas », de manière incrémentale et par la convergence de stratégies et pratiques spéculatives menées par les acteurs privés (notamment immobiliers), avec l’aide de la puissance publique. Elle est aussi tributaire de l’émergence de nouveaux acteurs économiques globaux, comme la Chine, qui joue un rôle de plus en plus important en Asie du Sud-Est.
Sur quels enjeux pensez-vous centrer la suite de vos recherches ?
Mes prochaines recherches exploreront plus avant le rôle de la Chine dans la fabrique des nouveaux espaces de la spéculation immobilière situés à la marge des grandes métropoles asiatiques, comme les espaces frontaliers ou les villes secondaires. Espaces très peu étudiés dans la littérature, ils deviennent peu à peu des territoires très stratégiques dans la circulation des flux d’investissement immobilier, ainsi que dans le développement de projets d’infrastructures stratégiques.