Note d'analyse No33
En 2018, le pronostic pour l’Union européenne est meilleur qu’il n’a été depuis dix ans. Au moment d’écrire ces lignes, un nouveau gouvernement Merkel prend place en Allemagne qui, comme celui d’Emmanuel Macron, met l’approfondissement de l’Union européenne au sommet de ses priorités. La Grèce s’apprête à sortir du programme d’ajustement qui lui est imposé depuis 2010 et l’implosion de la zone euro semble écartée. Le Brexit semble se retourner contre ses instigateurs, en position de faiblesse face aux 27 plus unis qu’on ne l’aurait cru. Surtout, la croissance économique est de retour. La plupart des indicateurs suggèrent que, sauf choc exogène, la « longue crise européenne » peut s’achever.
En même temps, la victoire en Italie du parti anti-système Mouvement 5 étoiles et le succès croissant de l’extrême-droite dans la plupart des pays européens rappellent que l’Europe est traversée par un profond malaise qui mine sa stabilité politique et ses perspectives économiques. Aucun consensus ne se dégage qui permette d’imaginer un saut qualitatif dans la gestion de la migration ou la gouvernance économique à l’échelle européenne. Et les difficultés à négocier le Brexit laissent entrevoir un accroissement possible de la tension entre les États européens qui ne serait pas de nature à renforcer l’influence du continent dans le monde.
Ce rapport identifie les quatre principales forces et tendances politiques susceptibles d’influencer l’avenir de l’Union européenne au cours des cinq prochaines années : le Brexit, la différenciation de l’intégration, le « dissensus contraignant » et la politisation. Nous nous concentrons sur les années 2018-2023, une période charnière qui verra se cristalliser des dynamiques institutionnelles qui, à leur tour, façonneront l’avenir à plus long terme de l’UE. Nos prenons comme postulats de départ que l’Allemagne et la France demeureront les principaux moteurs de la politique européenne et que les institutions de l’UE ont démontré leur solidité face à d’importants chocs externes et internes. Nous excluons de notre analyse la possibilité d’un conflit militarisé ou d’une grave détérioration de la situation économique à l’échelle mondiale, qui viendraient évidemment remettre en cause ces postulats et les hypothèses qui suivent.
Nous ne nous penchons pas non plus sur les tendances à long terme affectant l’Europe, soient une évolution démographique modérée voire négative dans un contexte où les politiques sociales deviendront plus difficiles à soutenir, une augmentation de la migration et de la diversité des sociétés européennes, une croissance modeste dans un contexte d’économie mature, un environnement détérioré qui forcera les Européens à faire des choix difficiles en matière énergétique, et une révolution technologique qui ne proviendra probablement pas du continent européen.