Anjeza Bregaj est doctorante au département de science politique à l'Université de Montréal.
Résumé
Depuis un certain nombre d’années, la relation entre la Cour pénale internationale et l’Afrique s’est considérablement détériorée. L’efficacité de la Cour pénale internationale et son biais apparent contre l’Afrique sont au cœur des débats parce que la majorité des dossiers poursuivis par la Cour portent sur des cas africains. Plusieurs États africains parties au Statut de Rome accusent la Cour de « néo-colonialisme judiciaire » et refusent de respecter les obligations découlant de leur adhésion à ce statut. De plus, une véritable campagne de contestation de la cour a été organisée, en vue de laquelle l’Union Africaine a été mobilisée, à l’initiative du Kenya et de l’Ouganda.
Pourtant, la relation entre la Cour pénale internationale et l’Afrique avait bien commencé. Les États africains tels que le Sénégal et l’Afrique du Sud étaient parmi les premiers à ratifier le Statut de Rome dès 1999. D’autres étaient aussi parmi les premiers à avoir saisi la Cour, notamment l’Ouganda en 2004, la République Démocratique du Congo en 2004 et la République Centrafricaine en 2004, démontrant ainsi leur volonté de coopérer avec elle. Dans un tel contexte, il est essentiel de comprendre pourquoi, malgré l’opposition actuelle des États africains et leur menace de retrait, peu d’entre eux se retirent effectivement. En effet, si ces États s’opposent à la Cour, les raisons de cette opposition varient. Une première explication renvoie aux intérêts et calculs politiques des dirigeants. Ainsi, si des États tels que le Soudan, le Kenya, le Burundi et la Gambie accusent la Cour d’être un instrument d’intervention des États les plus puissants du système international vis à vis des États plus faibles, c’est parce que les jugements de la Cour vont à l’encontre des élites politiques de ces États. Une seconde explication est à rechercher dans les caractéristiques institutionnelles des États. Ainsi, le niveau de démocratie, la force de certaines institutions (judiciaires par exemple) et de la société civile expliquent pourquoi des États tels que l’Afrique du Sud, tout en étant très critiques face à la Cour, ne se retirent pas du Statut de Rome.
Abstract
For a number of years, the relationship between the International Criminal Court and Africa has deteriorated considerably. The effectiveness of the International Criminal Court and its apparent bias against Africa are at the heart of the debate because the majority of the cases pursued by the Court relate to African cases. Several African states party to the Rome Statute accuse the Court of « judicial neo-colonialism» and refuse to respect their obligations arising from their adherence to this Statute. In addition, a real campaign against the Court was organized, for which the African Union was mobilized at the initiative of Kenya and Uganda.
However, the relationship between the International Criminal Court and Africa had started well. African states such as Senegal and South Africa were among the first to ratify the Rome Statute as early as 1999. Others were also among the first to have seized the Court, including Uganda in 2004, the Democratic Republic of Congo in 2004 and the Central African Republic in 2004, thus demonstrating their willingness to cooperate with it. In such a context, it is essential to understand why, despite the current opposition of African states and their threat of withdrawal, few of them actually withdrew. Indeed, if these states oppose the Court, the reasons for this opposition vary. A first explanation refers to the political interests and calculations of the leaders. Thus, if states such as the Sudan, Kenya, Burundi, and the Gambia accuse the Court of being an instrument of intervention of the most powerful states of the international system vis-à-vis weaker states, it is because the judgements of the Court run against the political elites of these states. A second explanation is to be found in the institutional characteristics of states. Thus, the level of democracy, the strength of certain institutions (judicial for example) and civil society explain why states such as South Africa, while being very critical of the Court, do not withdraw from the Rome Statute.
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